02.12.2021

L’ANNÉE CANON DE JON RAHM

Il est devenu père pour la première fois, il a été le premier Espagnol à gagner l’US Open et il est actuellement le numéro 1 mondial: Jon Rahm, Basque d’origine avec des racines suisses, a accompli la meilleure année de sa carrière en 2021.

A Valderrama précisément. A l’endroit où les parents de Jon Rahm avaient découvert naguère la passion du golf grâce à la Ryder Cup, l’Espagnol n’a pas réussi à faire le bonheur de ses fans. Avec dix coups au-dessus du par, le numéro 1 mondial a très nettement manqué le cut. «Je suis vidé mentalement. Ce sont surtout toutes ces histoires liées au Covid qui m’ont épuisé», a dit Jon Rahm après son élimination précoce, annonçant qu’il s’accorde une pause d’un mois au moins jusqu’à son anniversaire le 7 novembre.

Jon Rahm, un gaillard au physique trapu, était déjà habitué aux interruptions imprévues cette saison. Début juin, alors qu’il défendait le titre au Memorial Tournament, il a mené avec six coups d’avance. Puis, coup de tonnerre, en raison d'un test Covid positif, il a dû se retirer avant la finale. Un deuxième test positif en juillet a empêché Jon Rahm de participer aux Jeux olympiques de Tokyo. Mais un bagarreur de cette trempe ne se laisse pas abattre par des revers. Deux semaines seulement après son forfait au Memorial Tournament, il a exaucé un rêve d’enfance en remportant l'US Open pour la première fois. «C'est assez surréaliste quand on pense à la rapidité avec laquelle tout s'est passé», a résumé l'Espagnol après son premier titre majeur. Aucun joueur de son pays n'a jamais gagné l'US Open auparavant, ni Severiano Ballesteros, ni José Maria Olazábal, ni Sergio García. Et en juillet 2020 déjà, le Basque est devenu le deuxième Espagnol après le légendaire Ballesteros à prendre la tête du classement mondial. Cette première phase n'a duré que peu de temps, mais depuis le mois de juillet 2021, il s'est établi comme numéro 1 mondial, devant Collin Morikawa et cinq autres Américains.

Amour et sérénité

Sur le plan privé, le bonheur s’était déjà installé depuis quelque temps. Peu avant le Masters d'Augusta, sa femme Kelley Cahill a donné naissance à un fils en bonne santé nommé Kepa. Cela aussi a rendu plus serein l'homme de 100 kilos au tempérament fougueux. «Dans le passé, il m’est arrivé sur les parcours de golf de faire des choses dont je ne suis pas fier», a avoué Jon Rahm après sa première victoire majeure à Torrey Pines, au nord de San Diego. Des crises de colère, des clubs balancés dans la nature – ce genre de comportement n’était pas rare quand il jouait mal. A présent, il est devenu plus calme, moins sévère avec lui-même. Aussi parce qu'il joue désormais pour Kepa: «Je veux être un exemple pour mon fils.» Même si le bébé ne se rend évidemment pas encore compte de ce que son papa fait avec ses clubs de golf.

Bien entendu, les parents Edorta et Angela Rahm étaient également présents lors du plus grand triomphe de leur fils. Comme il y a quatre ans, quand Jon avait gagné son premier tournoi PGA, également à Torrey Pines d’ailleurs. Et c’est à cet endroit, au-dessus des célèbres falaises, que Rahm s'était agenouillé comme il se doit devant Kelley pour demander sa main. Que pouvait-il dire d'autre que: «J'aime Torrey Pines, et Torrey Pines m'aime.»

Une cheville brisée

Sur le parcours également, l’actuel numéro 1 mondial est un joueur de feeling et d’émotion. Le trackman? Il s’en fiche complètement. «Je suis un cauchemar pour les fitteurs car je ne m’intéresse absolument pas au loft ou au spin. Mes sensations me disent si oui ou non je vais utiliser un club. Je joue un driver avec un loft relativement important, puisque je plie fortement mes poignets», a-t-il par exemple commenté après son passage chez Callaway.

Mais c’est seulement cet été que Jon Rahm a fait la lumière sur «l’une des dernières grandes énigmes du golf», comme on a pu lire dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung. Lors de la conférence de presse précédant la 149e édition de The Open, l’Espagnol a expliqué pour la première fois pourquoi son backswing est tellement plus court que celui des autres champions de son niveau. «Je suis né avec un pied bot. Mon pied droit était tordu de 90 degrés vers l'intérieur et pointait vers le bas. Immédiatement après ma naissance, on a plus ou moins cassé tous les os de ma cheville droite.» La jambe du futur prodige, né dans le petit village de pêcheurs de Barrica, sur la côte basque, était dans le plâtre du genou au pied. «Ma mobilité est donc très limitée au niveau de la cheville et j'ai appris très jeune que je pouvais créer de la puissance de manière beaucoup plus efficace avec un swing court», explique le géant Basque qui fait 1m88.

Des ancêtres suisses

Malgré ses débuts difficiles dans la vie, son talent pour le golf est apparu très tôt. Jon Rahm jouait au football et s'était essayé au kung-fu, entre autres. Ses racines suisses sont beaucoup moins connues. Son nom de famille vient d'un menuisier suisse de Hallau, qui s'est installé à Bilbao il y a plus de deux siècles. «Entre 1821 et 1824, le Suisse Jorge Rahm, sa femme Josefa Antonia Sagastizabal et leurs enfants vivaient dans la rue Sendeja 4 à Bilbao», a écrit le quotidien espagnol El Mundo à propos des origines du champion.

Son grand-père Sabin avait soutenu les équipes juniors de l’Athletico Bilbao pendant 33 ans. En toute logique Jon est un fan de foot depuis son enfance. «Mon grand-père m’a fait cadeau d’un brassard de capitaine et vous pouvez imaginer qu’à 14 ans, j'étais le garçon le plus heureux du monde! Le brassard ne fait plus le tour de mon bras, mais il est toujours avec moi. C'est la première chose que je mets dans mon sac à dos quand je voyage. Où que j’aille», a-t-il déclaré après le décès de son grand-père en 2018.

Quant à son père Edorta, il lui avait conseillé de partir aux Etats-Unis après avoir terminé sa scolarité. Mais personne n’avait entendu parler du jeune golfeur basque là-bas, aucune offre sérieuse d’une université américaine ne s’est concrétisée, si bien que Jon Rahm a décidé de faire des études à Madrid. Après une année pendant laquelle il a continué d’affiner son jeu, il a reçu un appel de Tim Mickelson, le frère du légendaire Phil Mickelson. Tim était à l'époque head coach de l'équipe de golf de l'université d'Etat de l'Arizona. Des initiés de la Fédération espagnole de golf lui avaient fait savoir que ce Jon Rahm était «un énorme talent non encore découvert». Sans hésiter, il lui a offert une bourse d'études complète dans son université – selon les rumeurs, sans jamais avoir vu jouer l’Espagnol.

Golf brillant, anglais misérable

Lorsqu’il a débarqué aux Etats-Unis en 2012 pour jouer dans les rangs des Sun Devils de l’Arizona State University, l’Espagnol de 17 ans ressemblait à un diamant brut qui avait besoin de polissage. Son anglais était très approximatif. «J’ai dit à mon assistant ‘je crois que ce gars n’y arrivera pas’», se souvient le coach Tim Mickelson. «Je pensais qu’il faisait partie de ces jeunes qui rentrent à la maison après un semestre ou une année d’études», a-t-il raconté dans les pages de Golf Digest. «J’étais complètement perdu», a avoué Jon Rahm avec le recul. Etudiant en communication, l’Espagnol a amélioré son anglais, entre autres, grâce au rap – et il a surtout amélioré le niveau de son golf dans l’équipe universitaire. Il a gagné onze tournois aux USA. Seul Phil Mickelson a fait mieux dans l’histoire du «college golf» avec seize victoires. Jon Rahm était si bon qu’il a mené le World Amateur Golf Ranking pendant soixante semaines. A ce jour, aucun autre amateur n’a réussi cela.

En novembre 2014, il a fait sa première apparition sur le PGA Tour lors de l’OHL Classic à Mayakoba. Il avait tout juste 20 ans et a manqué le cut. Deux mois plus tard, il a conquis les cœurs des fans lors du Phoenix Open dans sa nouvelle patrie, l’Arizona. Jon Rahm portait le maillot de l’équipe de football de son université avec, au dos, le chiffre 42 et son surnom «Rahmbo». Porté par les applaudissements frénétiques du public, l’étudiant espagnol a terminé au 5e rang, le meilleur résultat obtenu par un amateur sur le PGA Tour depuis sept ans.  

Un surdoué sur le circuit

Lors de son début en Major lors de l’US Open 2016, il était le meilleur amateur, classé au 23e rang. Peu après, il est passé dans le camp professionnel, et Tim Mickelson est devenu son entraîneur et coach pendant dix-sept mois, avant de rejoindre son frère Phil dans le rôle de caddie.  

Lors de son premier tournoi sur le circuit professionnel, Jon Rahm était en tête après deux tours et a terminé à la 3e place, encaissant son premier gros chèque. En janvier 2017 déjà, il a remporté son premier tournoi sur le PGA Tour. Avec son triomphe lors du DP World Tour Championship sur l’European Tour, le jeune prodige a déjà décroché un 4e rang au classement mondial au terme de sa première année sur le Tour. A fin 2019, il était le numéro 3 mondial. Une année plus tard, seul Dustin Johnson a précédé le meilleur Européen sur le Tour et depuis cet été, Jon Rahm est le numéro 1, talonné par des poursuivants surtout américains.

Son bilan est époustouflant: au cours des cinq dernières années, Jon Rahm a joué 115 tournois et gagné treize titres, obtenu quinze podiums et 36 classements dans le top 10.

Parmi ses poursuivants les plus proches, Dustin Johnson a obtenu autant de victoires et de places d’honneur pendant la même période. Mais l’Espagnol, dix ans plus jeune que l’Américain, a nettement plus de classements top 10 à son actif.

«Il a dû apprendre l'humilité et la patience – pas facile pour un sportif qui est devenu une star en partant de rien», a écrit la NZZ, après que Jon Rahm eut, pour la première fois, pris la tête du classement mondial. Grâce notamment à son nouveau rôle de père, il est devenu encore plus humble et patient ces derniers mois.

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